“Pensées des morts” Alphonse de Lamartine / Georges Brassens

pensées des morts Alphonse de Lamartine

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Je me souviens avoir appris ce superbe poème en CM2 … Magnifique texte, admirablement et si sobrement mis en musique par Georges Brassens:

“Pensées des morts”

Alphonse de Lamartine (De son nom complet Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869) mis en musique par Georges Brassens (né à Sète dans l’Hérault le 22 octobre 1921 et mort à Saint-Gély-du-Fesc (Hérault) le 29 octobre 1981)

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Description de cette image, également commentée ci-après

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Francis JAMMES

Francis JAMMES

1868-1938

“J’aime l’âne si doux… “

«J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.

Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;

et il porte les pauvres,
et des sacs remplis d’orge.

Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.

Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.

Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.

Jeune fille au doux coeur,
Tu n’as pas sa douceur :

Car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.

Et il reste à l’étable,
fatigué, misérable,

Ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.

Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.

Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille…

Mais l’âne s’est blessé :
la mouche l’a piqué.

Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.

Qu’as-tu mangé petite ?
-T’as mangé des cerises.

L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.

Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre…

La corde de ton coeur
n’a pas cette douceur.

Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.

J’ai le coeur ulcéré :
ce mot-là te plairait.

Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris ?

Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme

est sur les grands chemins,
comme lui le matin.

Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris ?

Je doute qu’il réponde :
il marchera dans l’ombre,

crevé par la douceur,
sur le chemin en fleurs.»

Francis JAMMES

 

 

Le sous-préfet aux champs.

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Les “Lettres de mon moulin” d’Alphonse Daudet sont de petits bijoux ciselés  dans la matière  lumineuse de l’âme provençale: S’y exhale le parfum simple et plein d’humanité de l’ancienne Provence.

Il faut avoir lu “Le curé de Cucugnan”, “L’élixir du Révérend-Père Gaucher”, “Les vieux”, et bien sûr “La chèvre de Monsieur Seguin”… Une langue française limpide, facétieuse, tendre et jubilatoire.

Voici “Le sous-préfet aux champs”, admirablement raconté par Fernandel… Un instant de pur bonheur !

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“Monsieur le sous-préfet est en tournée. Cocher devant, laquais derrière, la calèche de la sous- préfecture l’emporte majestueusement au concours régional de la Combe-aux-Fées. Pour cette journée mémorable, M. le sous-préfet a mis son bel habit brodé, son petit claque, sa culotte collante à bandes d’argent et son épée de gala à poignée de nacre… Sur ses genoux repose une grande serviette en chagrin gaufré qu’il regarde tristement.

M. le sous-préfet regarde tristement sa serviette en chagrin gaufré ; il songe au fameux discours qu’il va falloir prononcer tout à l’heure devant les habitants de la Combe-aux-Fées :

— Messieurs et chers administrés…
Mais il a beau tortiller la soie blonde de ses favoris et répéter vingt fois de suite :
— Messieurs et chers administrés… la suite du discours ne vient pas.
La suite du discours ne vient pas… Il fait si chaud dans cette calèche!… À perte de vue,

la route de la Combe-aux-Fées poudroie sous le soleil du Midi… L’air est embrasé… et sur les ormeaux du bord du chemin, tout couverts de poussière blanche, des milliers de cigales se répondent d’un arbre à l’autre… Tout à coup M. le sous-préfet tressaille… Là-bas, au pied d’un coteau, il vient d’apercevoir un petit bois de chênes verts qui semble lui faire signe…

Le petit bois de chênes verts semble lui faire signe :

—Venez donc par ici, monsieur le sous-préfet; pour composer votre discours, vous serez beaucoup mieux sous mes arbres…

M. le sous-préfet est séduit; il saute à bas de sa calèche et dit à ses gens de l’attendre, qu’il va composer son discours dans le petit bois de chênes verts.

Dans le petit bois de chênes verts il y a des oiseaux, des violettes, et des sources sous l’herbe fine… Quand ils ont aperçu M. le sous-préfet avec sa belle culotte et sa serviette en chagrin gaufré, les oiseaux ont eu peur et se sont arrêtés de chanter, les sources n’ont plus osé faire de bruit, et les violettes se sont cachées dans le gazon… Tout ce petit monde-là n’a jamais vu de sous-préfet, et se demande à voix basse quel est ce beau seigneur qui se promène en culotte d’argent.

A voix basse, sous la feuillée, on se demande quel est ce beau seigneur en culotte d’argent. Pendant ce temps-là, M. le sous-préfet, ravi du silence et de la fraîcheur du bois, relève les pans de son habit, pose son claque sur l’herbe et s’assied dans la mousse au pied d’un jeune chêne ; puis il ouvre sur ses genoux sa grande serviette de chagrin gaufré et en tire une large feuille de papier ministre.

— C’est un artiste ! dit la fauvette.

— Non, dit le bouvreuil, ce n’est pas un artiste, puisqu’il a une culotte en argent ; c’est plutôt un prince.

— C’est plutôt un prince, dit le bouvreuil.

—Ni un artiste, ni un prince, interrompt un vieux rossignol, qui a chanté toute une saison dans les jardins de la sous-préfecture… Je sais ce que c’est : c’est un sous-préfet !

Et tout le petit bois va chuchotant :
— C’est un sous-préfet ! c’est un sous-préfet !
— Comme il est chauve ! remarque une alouette à grande huppe.

Les violettes demandent :
— Est-ce que c’est méchant ?
— Est-ce que c’est méchant ? demandent les violettes.
Le vieux rossignol répond :
—Pas du tout!
Et sur cette assurance, les oiseaux se remettent à chanter, les sources à courir, les violettes à

embaumer, comme si le monsieur n’était pas là… Impassible au milieu de tout ce joli tapage, M. le sous-préfet invoque dans son cœur la Muse des comices agricoles, et, le crayon levé, commence à déclamer de sa voix de cérémonie :

— Messieurs et chers administrés…
— Messieurs et chers administrés, dit le sous-préfet de sa voix de cérémonie…
Un éclat de rire l’interrompt ; il se retourne et ne voit rien qu’un gros pivert qui le regarde en

riant, perché sur son claque. Le sous-préfet hausse les épaules et veut continuer son discours; mais le pivert l’interrompt encore et lui crie de loin :

—À quoi bon?

— Comment ! à quoi bon ? dit le sous-préfet, qui devient tout rouge ; et, chassant d’un geste cette bête effrontée, il reprend de plus belle :

— Messieurs et chers administrés…
— Messieurs et chers administrés…, a repris le sous-préfet de plus belle.
Mais alors, voilà les petites violettes qui se haussent vers lui sur le bout de leurs tiges et qui

lui disent doucement :
— Monsieur le sous-préfet, sentez-vous comme nous sentons bon ?
Et les sources lui font sous la mousse une musique divine ; et dans les branches, au-dessus de

sa tête, des tas de fauvettes viennent lui chanter leurs plus jolis airs ; et tout le petit bois conspire pour l’empêcher de composer son discours.

Tout le petit bois conspire pour l’empêcher de composer son discours… M. le sous-préfet, grisé de parfums, ivre de musique, essaye vainement de résister au nouveau charme qui l’envahit. Il s’accoude sur l’herbe, dégrafe son bel habit, balbutie encore deux ou trois fois :

— Messieurs et chers administrés… Messieurs et chers admi… Messieurs et chers…

Puis il envoie les administrés au diable; et la Muse des comices agricoles n’a plus qu’à se voiler la face.

Voile-toi la face, ô Muse, des comices agricoles !… Lorsque, au bout d’une heure, les gens de la sous-préfecture, inquiets de leur maître, sont entrés dans le petit bois, ils ont vu un spectacle qui les a fait reculer d’horreur… M. le sous-préfet était couché sur le ventre, dans l’herbe, débraillé comme un bohème. Il avait mis son habit bas ; et, tout en mâchonnant des violettes, M. le sous-préfet faisait des vers.

 

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“Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement.”

Le nom de Nicolas Boileau (1636 – 1711), figure de proue des “Anciens” dans la “Querelle des Anciens et des Modernes” est peut-être le styliste par excellence de notre belle langue française.

Grand théoricien du Classicisme, mais également défenseur (raisonné) de la Raison, il donne dans son “Art Poétique” de précieux et subtils conseils.

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A notre époque où nivellement par le bas et vulgarité sont devenus distinction et élégance-même à l’aulne des “valeurs” notre belle Socialie finissante, lire Boileau est un bol d’air vivifiant à nul autre pareil…

Nous aurions bien tort de nous en priver !

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“Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement.”

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Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d’écrire apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Surtout, qu’en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
En vain vous me frappez d’un son mélodieux,
Si le terme est impropre, ou le tour vicieux ;
Mon esprit n’admet pour un pompeux barbarisme,
Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.

Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d’une folle vitesse ;
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d’esprit, que peu de jugement.
J’aime mieux un ruisseau qui sur la molle arène
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu’un torrent débordé qui, d’un cours orageux,
Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

C’est peu qu’en un ouvrage où les fautes fourmillent,
Des traits d’esprit semés de temps en temps pétillent.
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;
Que le début, la fin répondent au milieu ;
Que d’un art délicat les pièces assorties
N’y forment qu’un seul tout de diverses parties ;
Que jamais du sujet le discours s’écartant
N’aille chercher trop loin quelque mot éclatant.

Craignez-vous pour vos vers la censure publique ?
Soyez-vous à vous-même un sévère critique.
L’ignorance toujours est prête à s’admirer.
Faites-vous des amis prompts à vous censurer ;
Qu’ils soient de vos écrits les confidents sincères,
Et de tous vos défauts les zélés adversaires.
Dépouillez devant eux l’arrogance d’auteur ;
Mais sachez de l’ami discerner le flatteur :
Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue.
Aimez qu’on vous conseille et non pas qu’on vous loue.

Un flatteur aussitôt cherche à se récrier :
Chaque vers qu’il entend le fait extasier.
Tout est charmant, divin : aucun mot ne le blesse ;
Il trépigne de joie, il pleure de tendresse ;
Il vous comble partout d’éloges fastueux :
La vérité n’a point cet air impétueux.

Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible,
Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible :
Il ne pardonne point les endroits négligés,
Il renvoie en leur lieu les vers mal arrangés,
Il réprime des mots l’ambitieuse emphase ;
Ici le sens le choque, et plus loin c’est la phrase.
Votre construction semble un peu s’obscurcir ;
Ce terme est équivoque, il le faut éclaircir.
C’est ainsi que vous parle un ami véritable.

Boileau, Art poétique, Chant I, v. 147-207