La fête de l’Âne et des Fous.

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fete de l'ane
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Les fêtes dans l’ancienne France étaient d’une grande importance dans la vie de nos ancêtres, du temps où l’écran plat, et l’écran tout court d’ailleurs, ne sévissait pas encore …
 
La plupart des fêtes populaires de nos pères étaient évidemment  liées aux fêtes religieuses du calendrier chrétien qui rythmait le cours de l’année.
 
Celles-ci étaient fort nombreuses et omni-présentes.
 
Elles jouèrent dès le Moyen-Âge un grand rôle dans la vie du peuple car elles étaient tout d’abord jours de repos forcé, temps de répit accordé… et autant d’occasions de joyeuses libations et ripailles…
 
L’Eglise plaça peu à peu chaque village de France sous la protection d’un Saint, dont le jour dédié ramenait tous les ans la même occasion de festoyer.
 
Nos ancêtres ne s’en privaient pas: Fabliaux, vives satires mettant en scène de façon fort peu respectueuse des moines et même des Saints ! Nos aïeux aimaient rire, c’est certain, mais s’en tenaient là et n’étaient point incrédules pour autant:
 
J’ai été moi-même témoin dans mon enfance (ce qui n’est-Diable, pas si vieux !), de la ferveur et de la piété des population paysannes de Haute-Loire lors de la messe du Dimanche dans ce grand vaisseau sombre et immémorial qu’était l’église de granit, où les visages graves et recueillis des femmes d’un côté, des hommes de l’autre priaient à la lueur des cierges et dans les odeurs mariées de l’encens, de la savonette fraîche et, omniprésente alors, de la bouse de vache et du bon foin de prairie.
 
Je parle d’il y a environ cinquante ans …
 
Quelle devait être la foi de notre peuple il y a sept-cents ou huit-cents ans…
 
Ce que nous avons la plupart du temps oublié depuis la propagande anti-chrétienne gratuite, laïque et obligatoire, c’est que l’Eglise se prêtait elle-même au rire de bonne grâce ! Elle respecta jusqu’au XVIIème siècle environ les fêtes des Fous et de l’Âne  qui n’étaient autres que la continuation des Saturnales romaines.
 
En effet, à côté des premiers Chrétiens martyrs, ayant renoncé à tout pour suivre leur foi nouvelle, s’est toujours agité la foule épaisse et anonyme, familière des Saturnales …
 
L’Eglise transforma donc graduellement au cours des temps ces festivités devenues quasi-orgiaques, tout en les spiritualisant avec intelligence.
 
Il est à remarquer par ailleurs que cet esprit de fête populaire était conforme au christianisme, victoire des petits et des humbles. Son chef spirituel, à l’imitation du Christ, ne lavait-ils pas alors les pieds des pauvres ?
 
Mais voici ce qui se passait lors de la fête de l’Âne et des Fous :
 
Il s’agissait probablement à l’origine de l’âne ayant réchauffé le Christ dans la crèche … Les offices étaient donc célébrés par le bas-clergé qui chantait le psaume de circonstance: ” Deposuit potentes de sede” (“Il a renversé les puissants de leur trône” : référence au Christ ne reconnaissant aucun pouvoir terrestre.)
 
Un âne était  introduit dans le choeur de l’église, revêtu d’une chappe magnifique. L’Archevêque élu des Fous commençait ensuite l’office, dit de l’Âne, dont le missel (encore conservé à la bibliothèque de Sens), donne un texte étonnant : ” mélange confus de quolibets, de coq-à-l’âne, d’alleluias grotesques écrits en latin bouffon. Tous ce que la paroisse contenait de voix aigres et discordantes, de faussets intolérables, était invité à venir y chanter “in falso”…
 
L’archevêque des fous officiait … Du cuir de savate fumait dans les encensoirs… La nef de la cathédrale servait de salle de danse et le coeur et l’autel étaient abondament pourvus de de boudins grillés, de saucissons, de cruches de vin et autres victuailles rustiques …(” Histoire de Provins” Louis Felix Bourquelot 1838)
 
Au milieu de l’office, les Fous entouraient l’Âne et lui chantaient un éloge complet et fort détaillé 
 
“Pulcher fortissimus, Sarcinis aptissimus”
 (Animal très beau, très fort, et très parfaite bête de somme…)
 
Leur voix était souvent couverte par les formidables braiements du Héros, et l’émulation de la foule déchainée poussant moult Hi-Han en forme d’Alleluia !
 
 
missel des fous
 
Missel de la fête des Fous
 
  
Cette “cérémonie” a perdurée très longtemps malgré les protestations de certains évêques , comme Eudes, évêque de Paris au XIIème siècle, ainsi que d’autres par la suite … devant la tournure que pouvait parfois prendre la chose …
 
Le Pape Innocent III y mis fin par une Bulle au XVème siècle.
 
L’âne disparut  donc alors, mais la fête continua jusqu’ au XVII ème siècle !
 
Témoin, un Acte du Chapître de Sens qui en 1517, recommandait en ces termes la modération aux assistants : ”Aux vêpres on ne versera sur la tête des Préchantres des Fous qu’un seul seau d’eau et sans leur faire de mal ”
 
Les choses ayant probablement dégénéré quelque peu par la suite, cette pratique fut définitivement abandonnée en 1640 par le Concile Provincial de Sens.
 
 
 

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